domenica 25 marzo 2012

Antigone, Sophocle, Adel Hakim

Antigone
Sophocle- Adel Hakim
Avec les acteurs du Théâtre National Palestinien
Théâtre des Quartiers d’Ivry
Mise en scène Adel Hakim
Musiques : Trio Joubran
Avec : Hussam Abu Hisheh (Créon), Alaa Abu Garbieh (Hémon, Chœur), Kamel Al Basha (messager, Chœur), Mahmoud Awad (Tirésias, Chœur), Yasmin Hamaa (Eurydice, Ismène), Shaden salim (Antigone), Daoud Toutah (Le Garde, Chœur).

On a rebaptisé ce spectacle l’Antigone palestinienne. De toute façon, on a toujours besoin de mettre des étiquettes pour vendre. De plus en plus, grâce aussi au spectacle, je crois que celui qui affirme que les cultures nous séparent, ment. Ment qui dit que nous ne pouvons pas nous comprendre puisque nous venons d’horizons différents, de terres et de terrains différents. Ment qui affirme que je ne peux pas comprendre l’autre, parce qu’il est culturellement différent.
Depuis les premières minutes du spectacle, quand les cadavres d’Etécole et Polynice sont amenés sur scène, enveloppés dans de draps blancs ainsi que les corps de ces jeunes qu’on voit au journal télévisé, si pétrifiés et si morts au milieu d’une foule de vivants, encore plus, je crois qui ment celui qui dit que nous ne sommes pas une seule chose.
Je crois, encore plus,  après avoir vu cette Antigone, que si chacun allait au fond de son histoire, de sa culture, de son peuple, de ses croyances, si chacun se demandait le pourquoi, si chacun pouvait se découvrir capable de compassion, si chacun se demandait pourquoi il est capable de désirer la justice et le bien, si chacun écoutait son humanité en la reconnaissant si proche de l’humanité d’un inconnu, celui-là serait mon frère.
Antigone du Théâtre National Palestinien montre que la loi écrite dans le cœur est une marque gravée dans l’esprit de tout homme, de tout peuple, de toute terre, de toute culture, de toute religion. Antigone montre que nous ne sommes qu’un.
C’est l’art théâtral lui-même qui le montre. La mise en scène, la façon d’exprimer le deuil, le langage, la gestuelle, les danses, la musique, les mouvements des acteurs, la voix de Mahmoud Darwich qui résonne, tout cela est enraciné dans la culture palestinienne. Cela ne m’appartient pas. C’est vrai. Il s’agit d’une Antigone palestinienne. Mais en passant, en traversant, en pénétrant sa condition particulière, cette jeune fille devient une sœur. Ou un ennemi.
Il n’y a aucune référence au conflit qui se déroule dans ce morceau de terre, contrairement à ce qu’ont dit ceux qui ont voulu manipuler le spectacle pour des luttes personnelles. Le spectacle parle du conflit entre la justice et l’humaine folie pour le pouvoir, parle du conflit que chacun vit intimement, mais que personne ne peut réclamer comme exclusivement « le sien ». Le spectacle parle du conflit qui m’est tellement propre et qui t’es tellement propre à nous rendre des frères.
La salle sans prétention du Studio Casanova de Ivry nous a mis face à un mur, simple et lumineux. Et à une estrade. Nous n’avions pas besoin d’autre chose. Le Chœur ( 3 acteurs, nous n’en nécessitions  pas plus) tournoient autour de cette estrade, demeure du pouvoir de Créon, ils se prosternent , ils se complaisaient, ils lèchent les pieds de celui qui semble être plus fort que le destin, ils admirent les chaînes par lesquelles Créon attire Antigone. Adel Hakim aurait pu nous placer tout autour de cette estrade, au lieu de nous placer frontalement, en nous rappelant notre rôle de spectateurs. Il l’a peut-être fait pour pitié. Nous nous serions sentis pris dans les filets de ce Chœur lâche, cet amas de gens qui se taisent, qui ne choisissent jamais.
Il nous a laissé écouter l’arabe, lire le français, regarder le grec ancien projeté sur le mur, il nous a laissé une distance, probablement pour mieux saisir l’expression d’un seul cœur, celui de l’homme.
« Essayez de comprendre pourquoi je l’ai fait » crie Antigone  « Si j'avais eu des enfants, si c'était mon mari qui se fût trouvé là à pourrir sur le sol, je n'eusse certes pas assuré cette charge contre le gré de ma cité. Quel est donc le principe auquel je prétends avoir obéi? Comprends-le bien: un mari mort, je pouvais en trouver un autre et avoir de lui un enfant, si j'avais perdu mon premier époux; mais, mon père et ma mère une fois dans la tombe, nul autre frère ne me fût jamais né ».
Antigone meurt pour celui qu’elle n’a pas choisi, pour celui qu’elle n’a pas voulu, pour celui qui lui a été donné gratuitement, qui ne dépend pas de son goût, qui ne dépend que des données : un frère. « Essayez de comprendre ma logique. Je vis et je meurs pour mon frère, pour celui qui a été mis à mon côté, sans le vouloir ou même l’imaginer, pour celui qui m’est plus cher des liens de sang, des liens de pouvoir, d’une position sociale confortable.  Celui qui se plie à autre chose qu’à cette loi gravée dans le cœur, soit-elle ma sœur née des entrailles de ma mère, soit-il quelqu’un qui appartient à mon histoire, à mon peuple, à ma culture, n’est pas mon frère. Il est mort, bien que vivant. Nous nous rencontrerons, c’est sûre, mais seulement dans le royaume de cette loi » semble dire l’Antigone palestinienne.

C.F.

1 commento:

  1. devrait être en mesure de reconnaître un père, et peut-être de tout cela, nous reconnaissons frères.

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